Obésité infantile: Que disent les nouvelles lignes directrices américaines ? 

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Enfant obèse qui joue du xylophone

Les nouvelles lignes directrices cliniques de l’Académie Américaine de la Pédiatrie (AAP) pour le traitement et l’évaluation de l’obésité pédiatrique sont sans équivoque: l’obésité chez les enfants doit être traitée le plus tôt possible avec un encadrement multidisciplinaire intensif, avec l’aide de la pharmacothérapie et même de la chirurgie bariatrique au besoin (1). Reçues tièdement par le public et certains professionnels de la santé, ces lignes directrices soulèvent des questionnements, notamment par rapport  au recours à la pharmacothérapie et à la chirurgie chez les enfants et les adolescents. Ceux-ci craignent une augmentation de la stigmatisation des personnes grosses et le développement d’une image corporelle négative chez ceux-ci.  Ces lignes directrices semblent effectivement en contradiction avec l’augmentation du mouvement Health at Every Size (HAES) et de la diversité corporelle. Mais d’où viennent exactement ces recommandations?

Pourquoi doit-on traiter l’obésité rapidement et agressivement selon L’AAP?

L’urgence de traiter découle du constat que les enfants souffrant d’obésité sont plus à risque de développer des comorbidités, de souffrir d’obésité à l’âge adulte, de morbidité et de mort prématurée (1). Parmi certaines données rapportées par l’AAP, les enfants souffrant d’obésité sont 3 fois plus susceptibles de souffrir de dyslipidémie (2) que leurs congénères d’IMC de poids sain. Le taux de stéatose hépatique non alcoolique (SHNA) atteint jusqu’à 34% chez les enfants souffrant d’obésité (3), ce qui est inquiétant sachant que les préadolescents en souffrant ont un taux de mortalité et de transplantation hépatique plus élevé à 20 ans que ceux n’en souffrant pas (4). La prévalence de l’hypertension artérielle et de l’apnée du sommeil atteint 4 à 30 % et 45 % respectivement chez les enfants souffrant d’obésité (5, 6). Certaines conséquences psychologiques, comme une santé psychologique et émotionnelle altérée, une augmentation du stress et de symptômes dépressifs ainsi qu’une estime de soi plus faible sont également préoccupantes (1). 

Résumé des recommandations

L’obésité pédiatrique est définie par un IMC supérieur au 95e percentile pour l’âge et le sexe, tandis que l’obésité sévère se définit par un IMC supérieur à 120 % du 95e percentile pour l’âge et le sexe (1). En plus de fournir différentes recommandations pour l’évaluation de l'obésité et de ses comorbidités selon l'âge et le risque, l’AAP recommande son traitement par une approche centrée sur la famille et non stigmatisante en tenant compte des facteurs sociaux, biologiques et structurels de l’obésité (1). L’entretien motivationnel est recommandé pour impliquer le patient et sa famille dans le traitement de l’obésité (1). Un traitement intensif des comportements et des habitudes de vie (IHBLT) est une approche fondamentale selon l’AAP pour la gestion de poids chez l’enfant. Comprenant idéalement 26 heures ou plus de traitements sur une période de 3 à 12 mois, elle inclut une approche basée sur la famille, des rencontres en groupes ou individuelles ainsi que des rencontres en personne ou virtuelles (1). Si ce type de traitement est non disponible, le professionnel traitant devrait travailler en étroite collaboration avec le milieu et référer à des ressources communautaires ainsi qu’à une nutritionniste. Ces dernières sont les professionnelles les plus disponibles pour travailler en collaboration dans le traitement comportemental intensif (1).  Chez les adolescents de 12 ans et plus, une pharmacothérapie devrait être offerte en plus, en fonction des indications ainsi que des risques et des bénéfices (1). Pour les adolescents de 13 ans et plus souffrants d'obésité sévère, une référence pour une évaluation en chirurgie bariatrique devrait être faite (1). 

Préoccupations

Les craintes de causer préjudice à l’enfant, soit en créant une relation conflictuelle avec la nourriture et son corps, le développement de troubles du comportement alimentaire (TCA) ainsi que le risque d’effets secondaires et de complications avec un traitement plus agressif, soit la pharmacothérapie et la chirurgie bariatrique, semblent les plus présentes. Concernant le IHBLT, les études ne démontrent pas d’impacts négatifs sur la qualité de vie, mais plutôt une amélioration de celle-ci dans le tiers des études (1). Même si aucun impact négatif sur la santé mentale n’a été rapporté, l’AAP mentionne que des études supplémentaires sur cet aspect sont nécessaires (1). De nombreuses études ont démontré que, bien que les régimes maison augmentent le risque de variation de poids et de comportements désordonnés, la participation à des programmes supervisés et structurés de gestion de poids diminue le risque de développer un TCA, incluant des symptômes boulimiques, de la gestion des émotions avec la nourriture, les frénésies alimentaires et la recherche de la minceur, jusqu’à 6 ans après le traitement (1,7). L’AAP mentionne que ce type d’intervention a plusieurs points en commun avec les programmes de traitement de TCA, soit l’augmentation de la consommation d’aliments sains et de l’activité physique pour le plaisir ainsi qu’une amélioration de l’image et de l’estime de soi (1). 

Concernant la pharmacothérapie, les risques et les bénéfices varient selon le traitement proposé : c’est pour cela que l’AAP recommande une intervention individualisée ainsi que l’implication du patient et de sa famille dans la prise de décision (1). La pharmacothérapie doit également être accompagnée d’une intervention comportementale intensive (1). Pour la chirurgie bariatrique, l’AAP rapporte que celle-ci est sécuritaire et efficace dans le traitement de l’obésité sévère pédiatrique (1). En effet, plusieurs études démontrent que la chirurgie bariatrique chez cette population permet une réduction durable de l’IMC ainsi qu’une amélioration notable ou une résolution complète des comorbidités liées au surpoids, telles que l’hypertension, le diabète de type II, les dyslipidémies, les maladies cardiovasculaires ainsi que l’amélioration de la qualité de vie (1). Toujours selon la littérature, les complications post-chirurgicales dans cette population sont généralement mineures (déshydratation et nausées post-chirurgie) et touchent 15 % des patients (8). Des complications majeures jusqu’à 1 mois post-chirurgie vont tout de même atteindre 8 % des patients  (8). 13 à 25 % des patients vont aussi devoir subir une procédure connexe jusqu’à 5 ans après la chirurgie (9, 10). Le risque de carences alimentaires est également présent et demande alors un suivi étroit sur une longue période (1,8). L’AAP ne recommande donc pas une chirurgie bariatrique à tous les adolescents souffrant d’obésité sévère, mais plutôt d’offrir la chance à ceux-ci et à leur famille de considérer cette option de traitement (1). 

Quoi retenir?   

Bien que certains professionnels montrent une réticence concernant l’utilisation de la pharmacothérapie et la chirurgie chez une population pédiatrique et adolescente, l’utilisation de l’IHBLT semble n’avoir aucun effet potentiellement dommageable. Elle apparaît même augmenter la qualité de vie, réduire le risque de comorbidités ainsi que de développer un TCA chez les enfants et adolescents souffrant d’obésité (1). Puisque cette option reste très peu disponible à ce jour, la nutritionniste est la professionnelle de la santé la plus accessible et qualifiée afin de travailler les habitudes de vie de vos jeunes patients. N’hésitez pas à communiquer avec nous dans le but d'obtenir plus d'informations sur nos services!

Références: 

  1. Hampl, S.E., Hassink, S.G., Skinner, A.C., Armstrong, S.C., Barlow, S.E., Bolling, C.F., Avila Edward, K.C., Eneli, I., Hamre, R., Joseph, M.M., Lunsford, D., Mendonca, E., Michalsky, M.P., Mirza, N., Ochora, E.R., Sharifi, M., Staiano, A.E., Weedn, A.E. Flinn, S.K.,(...) et Okechukwu, K. (2023). Clinical Practice Guideline for the Evaluation and Treatment of Children and Adolescents With Obesity. Pediatrics. 151(2):e2022060640. https://doi.org/10.1542/peds.2022-060640

  2. Nguyen, D., Kit, B. et Carroll, M. (2015). Abnormal cholesterol among children and adolescents in the United States, 2011- 2014. NCHS Data Brief. (228):1–8.  

  3. Anderson, E.L., Howe, L.D., Jones, H.E., Higgins, J.P., Lawlor, D.A. et Fraser, A. (2015). The prevalence of non-alcoholic fatty liver disease in children and adolescents: a systematic review and meta-analysis. PLoS One. 10(10):e0140908. https://doi.org/10.1371/journal.pone.0140908

  4. Feldstein, A.E., Charatcharoenwitthaya, P., Treeprasertsuk, S., Benson, J.T., Enders,  F.B. et Angulo, P. (2009). The natural history of non-alcoholic fatty liver disease in children: a follow-up study for up to 20 years. Gut. 58(11):1538–1544. http://dx.doi.org/10.1136/gut.2008.171280

  5. Skinner, A.C. (2023). Appraisal of clinical care practices for child obesity prevention and treatment to inform quality improvement. Part II: comorbidities. Pediatrics. 151(2):e202206064. https://doi.org/10.1542/peds.2022-060643

  6. Andersen, I.G., Holm, J.-C. et Homøe, P. (2019). Obstructive sleep apnea in children and adolescents with and without obesity. Eur Arch Otorhinolaryngol. 276(3):871–878. https://doi.org/10.1007/s00405-019-05290-2

  7. Jebeile, H., Gow, M.L., Baur, L.A., Garnett, S.P., Paxton, S.J. et Lister, N.B.  (2019). Association of pediatric obesity treatment, including a dietary component, with change in depression and anxiety: a systematic review and meta-analy-sis. JAMA Pediatr. 173(11):e192841.https://doi.org/10.1001/jamapediatrics.2019.2841

  8. Armstrong, S.C., Bolling, C.F., Michalsky, M.P., Reichard, K.W, Section on Obesity; Section on Surgery. (2019). Pediatric metabolic and bariatric surgery: evidence, barriers, and best practices. Pediatrics. 144(6):e20193223. https://doi.org/10.1542/peds.2019-3223

  9. Gothberg, G., Gronowitz, E., Flodmark, C.E., Dahlgren, J., Ekbom, K., Marild, S., Marcus, C et Olbers, T. (2014). Laparoscopic Roux-en-Y gastric bypass in adolescents with morbid obesity–surgical aspects and clinical outcome. Semin Pediatr Surg. 23(1):11–16.  https://doi.org/10.1053/j.sempedsurg.2013.10.015   

  10. Olbers, T., Beamish, A. J., Gronowitz, E., Flodmark, C. E., Dahlgren, J., Bruze, G., Ekbom, K., Friberg, P., Göthberg, G., Järvholm, K., Karlsson, J., Mårild, S., Neovius, M., Peltonen, M., et Marcus, C. (2017). Laparoscopic Roux-en-Y gastric bypass in adolescents with severe obesity (AMOS): a prospective, 5-year, Swedish nationwide study. The lancet. Diabetes & endocrinology. 5(3), 174–183. https://doi.org/10.1016/S2213-8587(16)30424-7

 

Nutritionniste - Diététiste à Québec